Chercheurs et enseignants-chercheurs
Activités de recherche
Les activités de l'équipe CH se répartissent en deux grands champs d’applications qui font intervenir un large
spectre de disciplines scientifiques, de phénomènes, de contextes et de méthodologies :
1. Sécurité-incendie
2. Exploitation durable des ressources naturelles
Notre approche globale de la "Science du feu" allie à différentes échelles les approches numériques, théoriques et expérimentales, et s'appuie fortement sur les plateformes HESTIA et PERICLES. La grande majorité des membres de CH intervient dans cette thématique, qui s'inscrit en partie dans le périmètre du labex INTERACTIFS.
La démarche vise à améliorer la compréhension des phénomènes à toutes les échelles, avec comme enjeu le développement ou l'amélioration des outils numériques pour la simulation des incendies. Elle fait intervenir trois volets : l'étude de la dynamique du feu, où l'on considère les mécanismes se déroulant dans la phase gazeuse, à assez grande échelle ; la décomposition thermique des matériaux exposés au feu, en considérant les processus à échelles croissantes, dans une phase condensée éventuellement poreuse ; le couplage entre les deux aspects précédents, indispensable pour une description réaliste des phénomènes d’inflammation, de propagation et de développement des sinistres. Le fort développement des travaux concernant le dernier point répond au besoin identifié lors de l'autoanalyse de l'équipe en 2016.
Le premier volet concernant la dynamique du feu, en espace libre, confiné, sous-ventilé ou multicompartimenté, aborde diverses problématiques : l’inflammation, la dynamique de croissance et de propagation des feux, leurs caractéristiques et les phénomènes d’accidents thermiques liés aux conditions spécifiques rencontrées (Flashover, Backdraft…). En effet, la multi-compartimentation, le confinement, ou la sous-ventilation ont un impact significatif. Par exemple, l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments se traduit par un confinement des sinistres pouvant favoriser l’atteinte de hautes températures dans les premiers instants. De plus, une combustion incomplète peut résulter du manque d'oxygène, avec accumulation de gaz chauds imbrûlés. Le risque d'accident thermique si un apport d'air survient doit être analysé afin de pouvoir le prédire, voire le prévenir. Des études numériques et expérimentales visent donc à caractériser les feux dans des ensembles multicompartimentés (application navales, constructives…) et à simuler numériquement leur propagation, selon les combustibles solides et liquides impliqués et les choix architecturaux (ANR Democrite, ANR MARINER, projet CALYPSO, Efectis, LNE). Des travaux expérimentaux et numériques pour identifier et quantifier les gaz imbrûlés libérés en fonction du confinement et de la ventilation sont menés en collaboration avec différents partenaires industriels (AREVA, CEA, IRSN, CSTB...). L’approche en similitude nécessite parfois des installations lourdes (caisson CERES I de 8 m3 et prochainement caisson CERES III de 15 m3), où des essais à échelle réduite permettent de quantifier les températures, les pressions et les espèces chimiques qui se forment et d'étudier l’influence de paramètres comme le pilotage de la ventilation.
Concernant les mécanismes chimiques, les travaux expérimentaux autour de la dynamique d’un feu sont complétés par le développement de modèles de combustion permettant de capter par la simulation numérique les phénomènes physiques transitoires inhérents aux conditions sous ventilées. Conjointement, des travaux concernent le développement de modèles cinétiques de combustion non infiniment rapide et leur intégration au sein des codes de calculs, notamment Firefoam. Les modèles de types flamelettes sont retenus et développés, puis intégrés dans le code de calcul. Ce travail montrant l’enjeu d’une description précise des champs de températures, différents modèles de rayonnement sont également développés et caractérisés. Pour le moment des mécanismes cinétiques de la littérature sont utilisés, toutefois, le souhait est de développer des modèles cinétiques « squelettes » ou « réduits » dans les conditions caractéristiques des incendies en termes de richesse et de température afin d’être capable de prédire l’évolution des principaux gaz toxiques.
Les feux de forêts peuvent également donner lieu, dans des conditions topographiques spécifiques, à une transition soudaine vers une propagation explosive due à l'émission et accumulation des composés organiques volatils biogéniques (COVB) produits par la biomassse. Pour modéliser la propagation de la combustion de biomasse, il est nécessaire d'étudier l'inflammabilité du mélange gazeux produit et donc d'identifier les composés volatils émis, ce qui passe par une analyse thermochimique expérimentale, puis de décrire les aspects aérolique et thermique, en prenant en compte la topographie, ce qui repose sur un modèle numérique qui a déjà été validé par les résultats de mesures expérimentales. Ces travaux ont donné lieu à une thèse soutenue en 2015 et une autre débutée en 2018 est en cours, en collaboration notamment avec les laboratoires PRISME de Bourges et Orléans, IC2MP et EBI de Poitiers et l’Université d’Oran en Algérie.
Les procédés d'extinction sont aussi considérés. En particulier, l’effet de gouttelettes d'eau sur les flux thermiques est examiné afin de caractériser les mécanismes physico-chimiques d’interaction entre un brouillard et la flamme, en vue d'améliorer le travail et le déplacement des opérationnels (SDIS 86, autres SDIS et ENSOSP).
Un second aspect essentiel concerne le comportement au feu des matériaux solides, avec l'étude de leur cinétique de décomposition
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thermique, pour mieux comprendre les phénomènes, les décrire numériquement et répondre aux préoccupations concernant les matériaux et produits innovants utilisés dans différentes applications, telles que les transports ou la construction (figure 1). Il en est de même pour la compréhension de la décomposition thermique des végétaux lors des feux de forêts. En effet, représentant le terme source, la description de la cinétique de décomposition thermique est un enjeu majeur pour améliorer les simulations numériques, notamment en ingénierie de sécurité incendie. Si la description de la décomposition thermique à très petite échelle est maintenant mieux maitrisée, les modèles de pyrolyse et la description de la décomposition aux échelles intermédiaires posent encore de nombreuses questions (upscaling). La complexité, la diversité et les couplages des phénomènes nécessitent des hypothèses adaptées à chaque matériau et configuration. Les travaux se concentrent sur la description des transferts de masse et de chaleur au sein du solide et à l’interface solide-gaz, et sur une caractérisation plus précise de l’évolution des propriétés physiques, thermiques et chimiques durant la décomposition, qui peut nécessiter une première étape de caractérisation et modélisation de l'évolution morphologique du matériau (cf figure 2). L'objectif est d’identifier les paramètres clés et d'en fournir une représentation simplifiée. Certains aspects des lois cinétiques de pyrolyse et de combustion ont également été abordés d'un point de vue fondamental, de même que les méthodes d’optimisation des paramètres ne pouvant être déterminés expérimentalement.
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Figure 2 : Tomographie d'un matériau de gaine de câble dégradé par exposition au feu (a), identification des micro- et macro-porosité (b), et reconstruction par modèle géométrique conceptuel évolutif (c). |
Outre la décomposition chimique, il convient de prendre en compte les propriétés mécaniques des matériaux (composites, bois, etc.) utilisés dans les transports ou la construction, en considérant l'impact du feu sur les propriétés résiduelles, l'impact d’une charge sur le comportement thermique et la tenue globale des systèmes. L'étude de ces aspects, en lien avec le Département DPMM et avec le labex INTERACTIFS, vise à développer des modèles pour décrire le comportement et prédire la ruine d'éléments sous sollicitations couplées. Elle concerne les matériaux composites dans le cadre de projets Européens (FireComp, THOR) ainsi que le bois.
Enfin, le cas très spécifique de la combustion des métaux en situation industrielle sous haute pression d'oxygène constitue un thème très novateur. Des travaux exploratoires ont fourni une base de données expérimentale et un modèle mathématique expliquant la phénoménologie des comportements observés a pu être formulé.
Le couplage feu/décomposition thermique des matériaux (phases gazeuse et solide) est essentiel pour l’étude de l’inflammation des solides et de la dynamique de propagation de l'incendie. En effet, la décomposition thermique des solides provoque l'émission de gaz combustibles qui contribuent à l’inflammation et au développement du feu, tandis que la flamme influence les conditions de la décomposition, par transfert de chaleur. Les transferts de masse et de chaleur dans et entre les phases solide et gazeuse doivent donc être décrits avec attention. Le travail entamé sur cet aspect est mené à différentes échelles.
Au sein du solide, les propriétés thermochimiques intrinsèques du matériau ne suffisent pas à prédire son comportement à grande échelle, car le couplage des mécanismes de réaction et de transport (masse et chaleur) modifie les processus limitants. La réponse du matériau dépend de (et rétroagit sur) l'histoire des conditions ambiantes. La description de cette interaction passe par une simulation incluant les transports dans le solide, pour lesquels des outils sont développés. Ceux-ci peuvent être plus ou moins détaillés, selon la nature du matériau (cellulosique, polymère, poreux ou non), et le niveau de prise en compte de la morphologie.
Il convient également de raffiner la modélisation des processus mécaniques, thermiques et radiatifs dans la phase gazeuse au voisinage d'une paroi, afin de décrire les interactions entre ces deux domaines qui conditionnent l’(auto)inflammation et la propagation du feu (lois de couplage, description des transferts). Une attention particulière est portée au couplage et à l’interaction des processus de transfert de masse et de chaleur. En effet, la simulation numérique des transferts aux interfaces flamme / paroi requiert une discrétisation spatiale et temporelle fine, inapplicable à échelle réelle. Le développement de lois de parois est donc nécessaire afin de les prendre en compte.
Les outils de simulation de la décomposition des solides sont destinés à être couplés aux codes de calcul décrivant la combustion en phase gazeuse. Des projets avec l'IRSN, FCBA, Calyxis, la Fondation MAIF, Efectis, le CSTB, le LNE s'inscrivent dans cette démarche. Ces aspects, et de façon plus générale, le couplage entre la dynamique du feu et la dégradation des matériaux qui y sont exposés, sont des points qui sont en plein développement, dans différentes applications, numériquement et expérimentalement, afin de parvenir à la description globale des situations d'incendies.
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Les feux de façades (figure 3) fournissent un contexte et une motivation à ces travaux sur les interactions flamme-paroi (CSTB, FCBA, ANR FRENETICS). En effet, dans le cadre du développement durable, les façades des bâtiments deviennent de plus en plus sophistiquées, avec des constructions en bois, l'utilisation de matériaux biosourcés, des immeubles de moyenne et grande hauteur avec isolation par l’extérieur. Ceci augmente les risques de propagation du feu via la façade, dont l'estimation est un enjeu important sur les plan industriel et sociétal. Mais ce domaine n'est en rien limitatif, et par exemple, des actions du même ordre sont conduites concernant les feux de chemins de cables électrique en site industriel.
L'étude de divers aspects de l'exploitation durable de ressources naturelles, par des approches essentiellement théoriques et numériques, tire parti du large spectre de compétences représenté dans l'équipe pour traiter des problèmes liés à la combustion ou aux transferts réactifs en situations industrielles ou environnementales.
L’éco-conception est mise en avant comme une des solutions scientifiques aux problèmes de pollution et de disponibilité des ressources. Il existe une grande variété d’outils d’éco-conception (OE) dont l’Analyse du Cycle de Vie (ACV), mais leur mise en oeuvre reste limitée dans les entreprises. Pour y remédier, un système d’information gratuit, «Eco-Tool-Seeker», a été mis au point pour aider les décideurs à choisir parmi les 629 OE identifiés. Dans la même logique, mais en prenant en compte cette fois-ci les risques d'accidents, notre méthode l’Analyse des Risques de Cycle de Vie (ARCV), innovation internationale, a été développée et appliquée aux systèmes énergétiques.
D'autre part, une forte activité porte sur les transferts en milieux poreux et/ou fracturés, avec une approche prenant en compte le détail des mécanismes et de la morphologie à l'échelle locale, afin de prédire les comportements macroscopiques. L'amélioration et l'extension des outils conceptuels et logiciels constituent une tâche de fond permanente et importante, recouvrant le développement d'outils et de méthodologies pour la caractérisation et la reconstruction stochastique de milieux hétérogènes (cf. figure 2) et l'étude systématique des propriétés topologiques et stéréologiques ainsi que des propriétés de transport dans des situations canoniques. On enrichit ainsi une base de connaissance concernant des situations modèles, susceptible d'être appliquée dans des contextes applicatifs très divers. Dans le même temps, on peut identifier les paramètres les plus pertinents et dégager des lois générales gouvernant les comportements. On traite également de questions encore ouvertes concernant des aspects théoriques de la formulation d'une description homogénéisée, notamment en présence de processus réactifs et de déséquilibres thermodynamiques locaux.
La formulation 3d très générale permet d'aborder des situations complexes où les transferts sont couplés à des réactions chimiques, en contextes industriels ou naturels, comme la simulation directe de processus de pyrolyse et/ou combustion, incluant le maximum de mécanismes à la microéchelle dont le couplage détermine souvent les comportements macroscopiques. Le champ d'applications inclut la sécurité incendie et des problèmes industriels tels que l'exploitation par combustion in situ d'hydrocarbures difficilement extractibles par les méthodes conventionnelles. Par ailleurs, une mise en oeuvre à la grande échelle est conduite pour des applications qui concernent souvent les milieux souterrains, ciblant l'amélioration des techniques de reconnaissance, l'optimisation de l'exploitation, la gestion de ressources souterraines et la protection du milieu naturel face à l'activité anthropique. On peut citer parmi les nouveaux aspects abordés lors des dernières années la convection naturelle en milieu poreux fracturé, ainsi que le pompage barométrique et ses effets sur le transport de solutés (contaminants ou émanation de radioéléments) dans de tels systèmes.